5 raisons pour lesquelles le logement social tourne encore mal au Cameroun

09/03/2018 22:52

En parcourant mon Facebook tout à l’heure, je suis tombé sur une publication, annonçant la disponibilité d’une autre vague de logements sociaux d’Olembe à Yaoundé. J’ai été simultanément choqué et étonné par la joie et la satisfaction de certains « Facebookeurs ». Le logement social reste un concept mal maîtrisé au Cameroun, et personnellement une utopie flagrante pour sa cible. Le but de cet article est de démontrer en 5 points pourquoi l’habitat social ne marche toujours pas dans mon cher et beau pays.

1- La politique du produit:

Tout programme d’habitat qui se veut social devrait tenir compte ,dès sa conception, de la typologie du produit. On ne se plaindra jamais assez du choix des matériaux de construction pour ces projets, surtout en ce qui concerne le gros-oeuvre. La brique de terre, disponible localement, plus avantageuse et moins chère que le parpaing, reste toujours en arrière-plan malgré toutes les politiques de vulgarisation de ce matériau. Entre le Ministère de l’Habitat et du Développement Urbain (MINHDU) et la Mission de Promotion des Matériaux Locaux (MIPROMALO), on ne comprend toujours pas pourquoi il n’y a jamais eu de collaboration, pourtant ce sont deux institutions étatiques œuvrant pour un habitat décent. Je suis d’autant plus outragé par le fait que le MINHDU compte importer des briques de terre. Si la MIPROMALO ne fait qu’augmenter sa capacité de fabrication, on se demande bien qui en sont les clients (bref ce n’est pas le sujet).

Naturellement, le choix des matériaux de construction aura un impact sur le coût global du programme immobilier, et donc sur l’accessibilité tant souhaitée par les promoteurs. L’aspect général du lotissement est plaisant et semble avoir tenu compte des contraintes architecturales. Quant à la beauté des bâtiments, je laisse à chacun cette appréciation subjective.

2- La cible:

Comme je le disais à l’introduction, je suis choqué. Je commencerais par féliciter la mise à disposition du programme social d’Olembe sous ses multiples vagues. Mais il est une chose d’achever un programme, et une chose de le mettre à la disposition de sa cible. Je suis tombé sur cet article d’Investir au Cameroun, qui mentionne une remise solennelle des clés de 60 appartements à la Direction de la Sécurité Présidentielle; oui je dis bien la DIRECTION DE LA SÉCURITÉ PRÉSIDENTIELLE! Je vous épargne du tralala sur le salaire du camerounais moyen; consultez d’abord cet article, et si vous pensez toujours que l’institution sus-mentionnée devrait faire partie des candidats au programme, en plus pour un lancement avec des appartements témoins, c’est que vous êtes sûrement parmi les « Facebookeurs » (lol). Dans tous les cas, nous verrons le nombre d’unités restantes après que ce type de clientèle, associé à la diaspora, ait fait des réservations.

3- Un secteur quasi-monopolisé:

En effet, en terme de logement social, il n’y a quasiment pas de concurrence en terme de programmes, éventuellement à cause du manque de promoteurs immobiliers qui se livrent à ce type d’opérations. On ne peut remarquer que deux structures actives dans le domaine, à savoir la Société Immobilière du Cameroun (SIC), qui est une société étatique, et la Société d’Aménagement de Douala (S.A.D), société parapublique. Malheureusement, elles n’arrivent pas à équilibrer le marché du logement social en terme d’offre et de demande. Le Cameroun ne manque pas de matière première (terrain) pour développer le logement social, et une mise en concurrence encadrée de plusieurs promoteurs en permettrait la vulgarisation.

4- Les délais de livraison:

Pour rappel, le programme de logement social d’Olembe a été lancé en fin 2010, et s’étend sur 18 hectares. Mais franchement, quel programme sur 18 Ha prend plus de 5 ans à être livré entièrement? Mauvaise gestion financière, managériale? Dans tous les cas sous d’autres cieux 8 mois maximum suffisent pour les livraisons et l’accession.

5- Le financement du logement social, le plus important:

J’entends ou lis toujours cette expression, ou du moins des expressions similaires dans des articles et interviews: « l’Etat met tout en oeuvre pour que logement social soit accessible à toutes les bourses, surtout au Camerounais moyen ». Mais curieusement, les appartements témoins d’un certain programme immobilier à caractère social sont vendus à des individus nettement au dessus de la bourse moyenne. Il se dit que l’Etat finance le logement au Cameroun, mais comment? Dans quelles conditions?

Il faudrait noter que lorsqu’on parle de financement social, il y a deux volets à prendre en compte:

a- Le financement du programme proprement dit: plusieurs articles disent que les constructions sont financées à 100% par l’Etat, mais non! Une bonne partie du financement vient aussi des acquéreurs, puisqu’il s’agit d’un programme commercialisé en Vente en Etat Futur d’Achèvement (VEFA). Figurez vous que dans les premières manifestations d’intérêt pour le programme d’Olembe, 141 personnes ont fait des offres d’achat au comptant (quel camerounais ayant, let’s say 100.000XAF de salaire mensuel, peut s’acheter un logement cash à 175.000F/m² bâti?) Ce qui nous ramène vers la notion de cible et nous amène à la deuxième partie du financement. L’Etat finance le programme, d’accord, mais les déficits enregistrés par rapport à la commercialisation démontrent la mauvaise gestion financière du projet.

b- Le financement de l’acquisition:

Malgré les différentes formules mises en place par le Crédit Foncier du Cameroun (CFC), considéré comme la banque de l’habitat, l’accession au crédit immobilier reste toujours la chose des privilégiés. Je ne pense pas que le SMIC au Cameroun soit de 100.000F, mais je sais qu’il est impossible de contracter un prêt au CFC avec un salaire mensuel de 100.000XAF. Le prêt jeunes lancé par le CFC présente non seulement quelques failles de fonctionnement, mais aussi reste accessible à une minorité de jeunes employés. Le Ministre de l’Habitat et du Développement Urbain, dans un article d’Africa Time, dit donner la priorité aux jeunes concernant l’accession au logement social. Nous connaissons tous la situation des jeunes Camerounais. Ces jeunes à qui les stages sont refusés, mais à qui l’on demande 5 ans d’expérience pour postuler à des postes. Ces jeunes qui, lorsqu’ils finissent par obtenir des stages ou emplois, sont rémunérés pour la plupart à 50-100.000F/mois. Alors je me demande bien de quel type de jeunes le Ministre parle: nos jeunes qui ont 100.000F/mois, ou les jeunes de la diaspora qui touchent 5 fois ce salaire?

Pour un programme de logement social, la meilleure formule d'acquisition sera toujours la location-accession selon moi, et non la vente à terme ou à tempérament.

Dans tous les cas, telle est mon analyse sur la pratique du logement social au Cameroun. Les problèmes posés pour ma part proposent leurs propres solutions. Je vous serais reconnaissant d’y apporter vos points de vue, remarques et suggestions.